L’Afrique et les Caraïbes auront-ils toujours voix au chapitre au rendez-vous culturel du donner et du recevoir ? La question est d’autant d’actualité que l’on constate de plus en plus la perte des valeurs culturelles dans certains milieux afro-caribéens.
L’Afrique et les Caraïbes sont dotés d’une incroyable richesse culturelle qu’ils ont grand intérêt à préserver. Sinon, ils deviendraient des coquilles vides et en seraient réduits à mourir en eux pour naître en les autres.
Il fut un temps pas si lointain, ils étaient encore nombreux à croire que le continent noir n’est pas digne de réfléchir, ni d’être doté du bon sens nécessaire pour parler d’égal à égal avec les autres. Bien que le philosophe René Descartes eût laissé comprendre que « le bon sens est la chose du monde la plus partagée », en mettant d’ailleurs à la clé dans le même temps son « je pense, donc je suis » (cogito ergo sum), l’on en est tout de même arrivé, comme par enchantement ou par contagion, à croire que « l’émotion est nègre et la raison hellène ». Fait paradoxale, le chef de file des tenants de cette thèse de l’émotion qui est nègre et la raison hellène ou occidentale n’était autre que le célèbre Léopold Sédar Senghor, lui-même Afro-caribéen.
Admettre que « l’émotion est nègre et la raison hellène », c’est méconnaître aux Noirs en général et aux Afro-caribéens en particulier la capacité de réfléchir et de construire une histoire culturelle digne de ce nom. La culture afro-caribéenne résiste au temps qui passe et s’impose comme élément qui traduit l’authenticité de la culture noire. En tout état de cause, les fondements de l’anthropologie africaine résistent malgré tout à la modernité et l’on devrait par conséquent constituer l’âme de tout programme de développement en Afrique subsaharienne.
DE LA NÉCESSITÉ DE PRÉSERVER DAVANTAGE LES RICHESSES CULTURELLES AFRO-CARIBÉENNES
Bien que nombre d’Afro-caribéens aient définitivement intégré l’idée de la préservation de leurs us et coutumes, il se trouve que certains d’entre eux soient otages des cultures d’ailleurs. C’est ainsi qu’ils meurent complètement en eux pour naître en les autres.
L’aliénation culturelle dont sont l’objet certains Afro-caribéens est une faiblesse. De la même façon, la préservation obsessionnelle des valeurs culturelles, au nom d’une quelconque authenticité, peut enfermer les régions d’Afrique et d’Outre-mer dans un aveuglément qui, à la longue, peut être suicidaire.
À l’heure de la mondialisation, au moment où l’humanité est devenue une plateforme du donner et du recevoir, par ce temps où le monde est un grand village planétaire, il ne sert à rien de vivre enfermé dans sa tour d’ivoire culturelle.
Les réalités commandent plutôt d’emprunter aux autres ce qu’ils ont de positif et de leur donner ce dont ils peuvent avoir besoin pour leur épanouissement. Le multiculturalisme commande de s’ouvrir aux autres sans perdre son âme profonde. C’est à ce prix et à ce prix seulement que la culture africaine doit être prise en compte dans le concert des nations et dans les différents modèles de progrès économique et technologique prospères.
Le développement du continent noir passera aussi par la valorisation de ses richesses culturelles profondes.
Cyrille Kemmegne